vendredi 27 avril 2007

freeters et hikikomori


Un petit post évoquant deux phénomènes de société qui inquiètent énormément les japonais. Comme j'ai déjà pu le dire, le Japon, qui a atteint un stade de développement plus avancé qu'ailleurs (en terme de qualité de vie au quotidien), a des problèmes parfois différents de ce qui nous tracasse en occident. Voici deux catégories de personnes qui ont choisi de ne pas s'insérer dans le "moule" japonais: les "freeters" et les "hikikomori".
- Les freeters sont des personnes vivant de petits boulots ou de travail à temps partiel, demandant peu de compétences. Ils vivent souvent aux crochets de leur parents. C'est assez différent de nos Tanguy, car eux prolongent leurs études. Les freeters ont généralement choisi à la sortie du lycée ou de l'université de ne pas entrer dans le marché du travail, ou du moins d'en reculer l'échéance, pour profiter de la vie. Il s'agit d'un acte volontaire. Il peut s'agir également de personnes "romantiques" (en opposition à "réaliste") qui veulent vivre leur rêve, à leur façon. Le modèle du salary-man qui se consacre corps et âme à son travail, dans une société ultra-competitive, délaissant ses passions ou sa famille, n'a franchement pas la côte chez les jeunes. Et se prendre une ou des "années sabbatiques" pour poursuivre ses rêves ou simplement ne pas commencer de carrière semble être devenu un phénomène courant (en 2004 cela concerne 1 jeune sur 9, plus de 2 millions de personnes, ce qui explique que cela soit devenu un problème). Le problème est qu'il est difficile de se réintégrer dans la société et de trouver un vrai boulot par la suite, sans parler de créer une famille.
- Les hikikomori sont de jeunes personnes qui ne quittent jamais leur appartement ou leur chambre. Le nombre de Freeters a explosé dans les années 90, mais dans les années 2000, c'est le nombre de hikikomori (aussi appelés NEET - Not in Education, Employment nor Training) qui a augmenté de façon alarmante. Contrairement aux Freeters, les NEET ne travaillent pas et ne cherchent pas de travail. Ils se laissent vivre et ne sortent jamais, évitant tout contact et toute communication avec l'extérieur. Ils ne sont pas malades, mais ce sont des "adulescents" déboussolés, en manque de repère, dont le refus de travailler est une forme de rebéllion contre une société japonaise très compétitive et élitiste. Ils étaient 850000 en 2004. Contrairement aux jeunes précaires occidentaux, qui sont purement et simplement ignorés par les media et le reste de la société (en France en tout cas), les media et le gouvernement parlent beaucoup des hikikomori... mais pour les montrer du doigt, en donner une image négative (fainéants etc) et les accabler encore davantage. Les freeters et les NEET ont ainsi une très mauvaise image, ce qui dans une société possédant une forte mentalité de "village" (j'entend par là que tout le monde sait un peu tout sur tout le monde dans un quartier) ne va pas les pousser à sortir dehors pour affronter le "monde réel"...

Bon j'espère que cette petite intro vous a donné envie de vous interesser à ces 2 problèmes passionnants (peur des autres, phobie sociale, pression sociale étouffante, crise de valeurs dans une société très compétitive et consumériste, refus de se conformer au modèle école-famille-entreprise, refus d'une carrière type aliénante, refus de sacrifier son temps, peur des responsabilités...) ou comment une société au fonctionnement aussi bien "huilé" arrive-t-elle à créer de tels phénomènes.

Je conseille fortement le gros pavé de Muriel Jolivet, Homo Japonicus (ed.Piquier) qui parle du mal-être des hommes (jeunes et moins jeunes) dans la société japonaise à l'aide d'intéressants témoignages.

Sinon pour ceux qui ne veulent pas se prendre la tête, je conseille l'excellent manga de Kei Toume "Sing Yesterday for Me" (ed.delcourt, 4 volumes parus) qui traite de la vie de deux freeters, avec les interrogations qui vont avec, et de façon sensible et mélancolique.
En ce qui concerne le phénomène des Hikikomori, je conseille l'excellent anime "NHK ni youkoso", qui raconte la vie d'un NEET qui va petit à petit tenter de sortir de sa situation. Traité sur le mode tragicomique, ce dessin animé est très instructif mais aussi très humain, souvent subtil et émouvant, et met le doigt là où ça fait mal... (manga non disponible en France, mais on peut trouver la très bonne adaptation animée sur dailymotion, traduite par des fans).

enfin, pour en savoir plus, consultez les deux très bons articles de Wikipedia et les liens associés:
sur les freeters cliquer là
sur les NEET cliquer là

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